jeudi 20 janvier 2011

Domin ki koné

René Lacaille

Un clic sur la photo et vous êtes sur le site de René Lacaille

Le gaboussi, qui est originaire du Yémen, a pris à Mayotte une couleur très marquée. Il a perdu son caractère oriental qui perdure cependant à Mohéli. À Mayotte, il a pris une teinte plus malgache. Il est aussi étroitement lié à une certaine gamme (mode myxolydien) emblème de Mayotte, de son mgodro et de ses voulé.

Ceci dit, le gaboussi est un luth sur lequel on peut jouer tout ce qui nous passe par la tête. Par exemple il fonctionne très bien dans la musique créole de la Réunion ou de Maurice. En voici une illustration avec Domin ki koné, une très belle chanson de René Lacaille.



René Lacaille, c’est toute l’île de la Réunion qui déborde d’un accordéon. Un accordéon comme on sait le faire sonner dans l’océan Indien. Un accordéon qu’il trimbale à travers le monde et duquel il fait sortir des couleurs très diverses. Ce qu’il fait d’ailleurs avec toutes sortes d’instruments et avec toutes sortes de gens, de Manu Dibango à Bob Brozman.

René Lacaille et Bob Brozman (source web inconnue)

Cette chanson, c’est l’histoire d’un pêcheur ballotté par les flots qui médite sur le caractère aléatoire de la condition humaine :

Domin ki koné kosa va rivé ?
(Demain, qui sait ce qui va arriver ?)

C’est une jolie chanson qui tourne sur trois accords rarement joués au gaboussi et sur un rythme réunionnais, très proche du magandja mahorais. René Lacaille la chante en s’accompagnant à l’accordéon, mais elle sonne très bien au gaboussi. La version que j’en donne, avec l’autorisation très cordiale de l’auteur, est une adaptation personnelle, vous trouverez l’originale dans le CD Patanpo (Daqui/France 1999) et sur la page myspace de René Lacaille.

Un mot sur le rythme et sur sa notation. C’est le rythme qui est aussi bien à la base du séga que du maloya. On le trouve sur tous les rivages du sud-ouest de l’océan Indien. On le retrouve donc à Maurice et on l’entend parfois à Mayotte. Ce n’est pas un rythme typiquement mahorais, mais les mahorais l’aiment bien. Sa particularité, et son charme, est qu’il n’est ni réellement binaire, ni réellement ternaire (certains théoriciens parlent de « trinaire ») si bien que de nombreux mzoungous ou zorey s’arrachent les cheveux pour essayer de le comprendre alors qu’en fait, il est très facile à jouer. D’un point de vue technique, si vous y tenez assez pour lire ces petits caractères, les temps sont divisés en trois de façon assez souple. La figure rythmique de base flotte entre la « croche-deux doubles » qui est trop carrée et le « triolet » qui est trop régulier et ne chaloupe plus. La première note est toujours sur le temps et les deux autres batifolent derrière, plus ou moins serrées, plus ou moins dilatées, papillonnant d’un pôle à l’autre ( « croche-deux doubles » et « triolet ») ce qui permet d'avoir des effets de ralentis ou d'accélérés alors que la pulsation est constante.

Ma notation est donc très arbitraire. Si l’on jouait exactement comme c’est écrit, ce serait assez mécanique et sans doute un peu vilain. C’est le même principe que la notation des croches en jazz qu’on écrit en croches régulières mais que personne n’aurait l’idée de jouer ainsi.

Pour que cela sonne bien, au gaboussi comme à la guitare, il faut que la main droite soit toujours en aller-retour si bien que la croche qui tombe sur le premier temps est jouée en descendant et celle qui tombe sur le deuxième temps est jouée en montant. C’est assez déroutant au début, mais avec un peu de pratique, cela devient naturel.

En cliquant sur l’image, on voit et on entend comment tourne le rythme de base.


Un mot sur les accords. Sur le CD, la chanson est en Do mineur. Les accords sont :

Dom / Rém7♭5 / Sol7 / Dom. C’est la structure très classique Im / IIm7♭5 / V7 / Im

Cela peut se faire assez facilement sur un gaboussi accordé en Sol (Ré Sol SI-Si Ré-Ré), mais cela nous mène un peu loin sur le manche sans frettes et ce n’est pas évident au début. Il est plus pratique de la prendre en La mineur. Si c’est trop bas pour votre voix, vous pouvez déplacer le chevalet mobile, comme le montrent les photos suivantes.


Position usuelle du chevalet


Chevalet déplacé pour rendre le gaboussi plus aigu.


Position du chevalet au repos.
Quand on a fini de jouer, on fait glisser le chevalet
jusqu'à ce qu'il appuie sur le manche et non plus sur la peau
pour éviter de "fatiguer" inutilement celle-ci.


Un clic sur l’une de ces trois photos et vous verrez cela en vidéo.


En La mineur, les accords deviennent :

Lam / Sim7♭5 / Mi7 / Lam


Voici les diagrammes de ces accords :


Lam



Sim7b5


Mi7

Je pense que vous en avez assez maintenant pour vous amuser longtemps. Ce rythme du séga/maloya demande un peu de temps pour être apprivoisé, mais il est ensuite inépuisable et danse tout seul sous les doigts.